Le commandant T.J. "king" kong à cheval sur une bombe A dans une des dernières scènes du Docteur Folamour.
La légende raconte que Stanley Kubrick se serait inspiré de John von Neumann pour créer le personnage du Docteur Folamour dans son film sorti en 1964.
Les compétences scientifiques hors du commun de ce dernier, sa proximité avec le monde militaire, ses travaux autour de la bombe A et son anticommunisme
combatif ont pu effectivement être une source d'inspiration pour le célèbre réalisateur.
De fait, les contributions de von Neumann sont innombrables dans les domaines des mathématiques, de la physique, de l'économie, de l'armement atomique et, ce qui nous
intéresse ici, de l'informatique.
Car, si on veut répondre à la question "Quel est le premier ordinateur au monde digne de ce nom ?", il va bien falloir avoir une définition très précise de ce qu'est
une telle machine. John von Neumann va nous y aider.
John von Neumann
Petite précision : dans la période qui nous préoccupe, les décennies 1930 et 1940, le mot ordinateur n'existait pas. Il fut introduit par IBM France en 1955
pour traduire l'anglais
computer.
Ce qu'a apporté John von Neumann en 1945 est la définition même de l'architecture d'un ordinateur, une structure qui s'inspirait un tant soit peu du fonctionnement
global du cerveau humain tel qu'on pouvait l'imaginer à l'époque.
Structure von Neumann
Cette architecture se divise en quatre parties : L'unité arithmétique et logique dotée d'un accumulateur, une mémoire qui va contenir les données et les programmes,
une unité de contrôle et un système de communication avec le monde extérieur qui comprend des entrées et des sorties (ce qui donnera par la suite la combinaison écran-clavier).
Très innovante pour l'époque, l'architecture de von Neumann est toujours à la base de la conception de nombreux ordinateurs aujourd'hui.
Ceci dit, la paternité de cette structure lui est souvent contestée. D'ailleurs, lui-même l'attribuait à Alan Turing. Mais c'est bien son nom qui y est resté lié.
Alan Turing
Donc, avec John von Neumann, on sait comment est organisé un ordinateur. Mais, au plus profond de la machine, là où il n'y a que des 0 et des 1, comment les choses
vont-elles se passer ? C'est là qu'Alan Turing, autre génie à la vie mouvementée, va intervenir en 1936.
À l'aide d'un concept très original et très simple, qu'on appellera par la suite Machine de Turing, il va démontrer que tout problème de calcul fondé sur une
procédure algorithmique peut être résolu par une série d'opérations élémentaires à l'aide d'un petit nombre de symboles (par exemple 0, 1). Il introduit
ainsi les concepts de programme et de programmation.
Machine de Turing en Légos conçue à l'ENS de Lyon
Nous y sommes. Un ordinateur sera donc une machine dont l'architecture sera conforme à la structure de von Neumann et qui sera capable de fonctionner comme une machine
de Turing. Enfin, presque. Une machine de Turing (rappelons qu'il s'agit avant tout d'un concept) est supposée avoir une mémoire infinie, ce qui est évidemment
impossible matériellement.
Enfin bon, à ce détail près, nous avons notre définition de l'ordinateur. Voyons maintenant qui mérite le titre de premier ordinateur...
Réplique du Zuse 3 au Deutsches Museum de Munich
Le Zuse 3 (ou Z3) de l'Allemand Konrad Zuse fut le premier appareil programmable fonctionnel au monde. Il fut terminé en 1941 et succédait aux Z1 et Z2 développés entre
1935 et 1940. Entièrement automatique, il était composé de 2000 relais électromécaniques et exploitait des mots de 22 bits. Par contre, il ne disposait pas des
branchements conditionnels d'une machine de Turing (Branchement conditionnel = si une condition est remplie, la machine exécute une série d'instructions, sinon, elle
en exécute une autre série).
ENIAC
L'ENIAC (Electronic Numerical Integrator And Computer) fut, en 1946, la première machine électronique généraliste.
Cette machine, financée par l'armée américaine, disposait des branchements conditionnels de Turing, elle était programmable et elle pouvait résoudre une large gamme
de problèmes. Cependant, son programme était représenté par l'état d'interrupteurs situés sur des câbles et non pas en mémoire. La reprogrammer pouvait alors
demander plusieurs jours.
Réplique de la Small-Scale Experimental Machine
La SSEM (Small-Scale Experimental Machine, surnommée Baby) conçue à l'Université de Manchester, a été la première machine fonctionnelle contenant tous les éléments
essentiels d'un ordinateur électronique moderne. Ce serait une bonne candidate au titre de premier ordinateur, malheureusement elle ne fut pas construite pour son
utilité pratique, mais comme un banc de test pour le tube de Williams, une forme primitive de mémoire d'ordinateur.
EDSAC
L’EDSAC (Electronic Delay Storage Automatic Calculator) est une machine à tubes à vide automatique et à mémoire faite de lignes de délai.
Elle a été mise en service en 1949 à l’Université de Cambridge au Royaume-Uni. Descendante de l’ENIAC, c’était une machine électronique universelle, programmable
par instructions. Elle pouvait effectuer en une minute 15 000 opérations mathématiques, dont 4000 multiplications.
Enfin, le CSIRAC (Commonwealth Scientific and Industrial Research Organisation Automatic Computer) est une machine à programme enregistré construite par l'Australie.
Il a exécuté son premier programme en novembre 1949.
C'est le premier ordinateur au monde à avoir joué de la musique numérique. Cette machine imposante existe toujours et elle est encore capable de réaliser des calculs.
CSIRAC
Pour la petite histoire, il faudra attendre 1951 pour qu'en France, la société SEA construise un premier ordinateur, le CUBA (Calculateur Universel Binaire de
l'Armement).
Avez-vous fait votre choix ? Non ? Hé bien, rassurez-vous, personne à ce jour n'est d'accord, d'autant plus qu'il y a encore pas mal de candidats que vous pourrez
découvrir dans la partie "En savoir plus"...